18.10.25 | 16.11.25

Roberto Platé | 1990 – 2000

Né à Buenos Aires en 1940, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Munich, Roberto Platé émerge dans les années 1960 au sein de l’Instituto Di Tella, véritable laboratoire de l’avant-garde argentine. En 1968, son installation Los Baños, censurée par la dictature militaire, l’amène à quitter l’Argentine. Arrivé à Paris avec le collectif TSE – Théâtre Sans Explication, qu’il a co-fondé avec Alfredo Arias, il développe dès lors un travail à la croisée de la peinture, de l’installation et de la scénographie.

Dans l’intimité de l’atelier, loin des plateaux de théâtre et d’opéra où il signe plus d’une centaine de scénographies pour les plus grandes scènes internationales, Platé tisse une oeuvre picturale singulière, dont la force réside dans un jeu subtil entre figuration et abstraction.

L’exposition réunit un ensemble de toiles des années 1990 à 2000, période charnière où l’artiste, installé depuis longtemps à Paris, affirme sa liberté picturale. Ces oeuvres portent la marque d’un dialogue constant avec la scénographie : cadrages audacieux, silhouettes découpées comme sur une scène, reflets et jeux de perspective qui rappellent son génie du trompe-l’oeil. Le peintre nous invite à pénétrer son univers comme on entrerait dans un décor, où chaque couleur devient un acteur, chaque geste une mise en mouvement.

Les colonnes, motif récurrent, structurent l’espace de son atelier comme les piliers d’une architecture spirituelle. Elles renvoient à une verticalité à la fois picturale et intérieure, écho discret à sa pratique du soufisme, où la couleur a une dimension symbolique et vibratoire. Mais c’est avant tout la peinture qui prime : aplats lumineux, contrastes intenses, rythmes chromatiques. Platé est un coloriste conscient, qui travaille la matière avec une énergie donnant à ses toiles une étonnante vitalité.

Les silhouettes – qu’elles soient des ombres colorées ou des autoportraits voilés – confèrent à ces peintures une présence immédiate. Ce sont des figures de passage, des apparitions, des fragments de scènes quotidiennes. Dans certaines séries, l’éloge du corps et de la sensualité affleure, entre pudeur et intensité. Le spectateur devient témoin d’un moment suspendu.

Peintre de l’atelier et de la matière, Platé donne à voir l’acte de création lui-même : objets familiers, outils, son propre corps au travail se transforment en fragments d’un récit silencieux. Les textures sont riches, les couleurs profondes, la composition pensée comme une partition visuelle, entre rigueur et liberté.

« Pour la peinture, je ressens un immense respect et amour. Elle existe par elle-même et est le produit d’un travail solitaire qui me permet d’être avec moi-même. […] Elle m’intéresse car elle me permet de me manifester comme contemporain dans mon époque : elle est le “ventre” de la création. » R.P. 1987
Installé à Paris depuis plus de cinquante ans, Roberto Platé poursuit une oeuvre exigeante et sensible, traversée par les grandes questions de l’art : l’espace, le geste, la couleur, le regard. Sa conviction reste intacte :

« Avec fierté je me considère peintre. Je crois que c’est la base de la matrice. De là je peux faire une scénographie, mais le contraire n’est pas possible. » R.P. 1997
Roberto Platé 1990–2000 est ainsi une immersion dans la peinture comme acte essentiel, où le décor devient intime, les couleurs présences, et où le spectateur est invité à entrer dans le champ vibrant d’un peintre pour qui chaque toile est une scène habitée.

– Anna La Fonta